La nécessaire progression vers la parité — La Presse (*French*)

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Press September 27, 2022

Depuis cinq ans maintenant, l’organisation La Gouvernance au féminin procède à la Certification Parité, qui a été élaborée pour augmenter la mobilité et la représentation des femmes et des minorités aux postes de direction des entreprises – une certification obtenue à ce jour par 80 organisations au Canada. Caroline Codsi, fondatrice de l’organisme à but non lucratif, nous explique comment est née et fonctionne cette démarche qui vise à réduire l’écart entre les genres au sein des entreprises.

Caroline Codsi est née et a grandi au Liban durant les années 1970, en pleine guerre civile. Sa famille a émigré temporairement durant quatre ans à Montréal avant de retourner au Liban. À 17 ans, elle est partie étudier en France tout en occupant deux emplois pour survivre.

« J’ai grandi dans l’adversité, mais j’ai toujours continué de foncer. À l’âge de 22 ans, je suis revenue à Montréal rejoindre ma famille qui avait décidé d’y retourner vivre. J’ai poursuivi mes études à HEC et à McGill, tout en travaillant dans le domaine des ressources humaines.

« J’ai occupé des postes de direction chez Morneau Shepell, puis de vice-présidente chez Knightsbridge, avant de devenir vice-présidente directrice chez Cira Solutions Santé. Mon parcours de résiliente m’a amenée à ne jamais être affectée par les biais inconscients féminins ou la misogynie. J’ai de l’ambition et je ne me suis jamais arrêtée à des remarques telles que “pour qui elle se prend ?” », m’explique dans un souffle Caroline Codsi.

J’ai rencontré la présidente fondatrice de La Gouvernance au féminin le jour même où l’organisme allait tenir son Gala annuel au Palais des congrès, où 700 personnes qui devaient débourser 550 $ pour être sur place étaient attendues.

« C’est une journée bien remplie pour moi, mais j’aime la fébrilité. Cela fait deux ans qu’on n’avait pas fait de gala à Montréal. C’est une source importante de revenus pour notre OBNL », souligne Caroline Codsi.

Favoriser la promotion

C’est en 2010 que Caroline Codsi a entrepris de s’engager pour que les femmes obtiennent une plus juste et meilleure représentativité au sein des directions d’entreprises.

« J’avais obtenu l’année précédente mes accréditations d’administrateur agréé, mais je me rendais bien compte que les femmes occupaient peu de postes au sein des conseils d’administration.

« J’ai utilisé mon réseau de contacts pour organiser un 5 à 7 avec des collègues. J’ai envoyé l’invitation à 80 personnes et j’ai reçu 150 réponses positives. On a organisé une première rencontre de discussion et toutes mes invitées voulaient que l’on en tienne une seconde », rappelle la PDG.

C’est dans le sillage de ces discussions informelles qu’est né l’organisme La Gouvernance au féminin. « On était au départ 150 membres, on est aujourd’hui 60 000 », insiste Caroline Codsi.

En 2010, la proportion de femmes au sein des conseils d’administration d’entreprises publiques était de 12 % au Canada ; il est aujourd’hui de 22 %.

« On a fait des progrès, mais on est loin de la France, qui affichait le même taux en 2010, mais qui est aujourd’hui à 42 % grâce à l’adoption de la Loi Copé-Zimmermann, qui force les conseils à tendre vers la parité. », Caroline Codsi

La Gouvernance au féminin s’est adjoint des commanditaires et a mis sur pied, en 2015, un programme de mentorat pour accompagner les vice-présidentes d’entreprises dans le développement de leur carrière.

« Il y a des barrières systémiques et des biais inconscients qui défavorisent la progression des femmes au sein des organisations. On est allé voir la firme McKinsey et on a développé ensemble une certification pour permettre aux entreprises de comprendre où elles en sont dans la promotion de la diversité au sein de leur organisation », explique Caroline Codsi.

Viser la parité

C’est en 2017 que La Gouvernance au féminin a lancé son projet-pilote de programme de certification à la parité et que Caroline Codsi a décidé de se consacrer pleinement à la direction de l’OBNL.

« On a développé le programme avec la firme McKinsey, mais il est administré aujourd’hui de concert avec les firmes Mercer, Accenture et WTW. On a mis sur pied un questionnaire qui évolue avec le temps et qui évalue plus de 80 paramètres au sein des organisations.

« Ce n’est pas juste une analyse quantitative que l’on fait, mais aussi qualitative pour bien mesurer jusqu’à quel point une entreprise intègre et favorise le mieux la diversité, que ce soit au chapitre du recrutement, de la rétention, des promotions, de la mobilité », souligne Caroline Codsi.

La Certification Parité se décline sous différentes formes – bronze, argent, or et platine – qui reflètent les efforts qui ont été déployés pour permettre une meilleure inclusion des femmes et de la diversité aux différents niveaux de la hiérarchie.

Le programme mis sur pied par La Gouvernance au féminin est accessible à toutes les grandes entreprises de plus de 400 employés au Canada, dans tous les secteurs d’activité. On y retrouve des entreprises comme Desjardins, ABB ou CAE, et une version pour PME a aussi été élaborée.

« On a mis en place une plateforme aux États-Unis, où on vient de certifier la chaîne d’hôtels Accor et la plateforme Zoom, et on vient de lancer une autre certification pour l’Europe », précise la PDG.

La Gouvernance au féminin n’a pas délaissé pour autant son engagement à hausser la représentation des femmes dans les conseils d’administration.

« On vise toujours la parité avec un pourcentage de 60-40 dans un sens ou dans l’autre, mais il va falloir légiférer. Quand on légifère, on trouve des femmes pour occuper ces postes-là. Quand on ne légifère pas, on trouve des excuses », constate froidement Caroline Codsi.

JEAN-PHILIPPE DÉCARIE